Bretagne : les zones «zéro chômage», ça marche

L’opération Territoires zéro chômeur de longue durée était lancée en janvier. Reportage en Bretagne.

La salle de réunion sert aussi de blanchisserie. Installée dans un appartement à Pipriac (Ille-et-Vilaine), l’entreprise Tezea est déjà à l’étroit. Créée en janvier dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro chômeurs de longue durée, elle compte 58 salariés et envisage d’en recruter une trentaine l’an prochain.

« Nous sommes en train de prouver aux sceptiques qu’on peut faire travailler tout le monde », affirme Denis Prost, le chef de projet de Pipriac et Saint-Ganton. Cette expérimentation commencée par ATD Quart-Monde, a été lancée dans dix territoires à travers le pays. « Le chômage de longue durée est souvent vécu honteusement. Retravailler, c’est n’avoir plus peur du regard des autres », répond Denis Prost.

Les compétences avant les diplômes

Embauchée en CDI fin novembre par Tezea, Josée ne le contredira pas. Originaire de la région parisienne, cette commerciale de 43 ans est arrivée à Pipriac en 2016 pour suivre son mari. Elle a postulé partout, en vain, faute de permis de conduire. « Le chômage m’a beaucoup pesé d’un point de vue financier, mais aussi psychologique. »

Comme ses nouveaux collègues, Josée sera employée à différentes activités en fonction de ses envies et compétences et non de ses diplômes. Conciergerie, nettoyage de voiture, collecte d’invendus alimentaires, sécurité aux abords des écoles… Autant de services proposés aux entreprises locales comme aux particuliers, mairies et associations, avec le souci de ne pas faire concurrence aux artisans locaux. Exemple : Tezea assure la livraison à domicile du drive Super U de Pipriac qui refacture le service au client.

Chaque équivalent temps plein coûte 27 000 euros par an à Tezea. Deux tiers sont financés par le fonds ETCLD, en charge de l’expérimentation au niveau national, qui prend en charge le coût des chômeurs de longue durée. Cette somme est économisée sur le budget RSA du département ou des allocations versées par l’Etat (logement, fin de droits…).

« Nous risquons d’être déficitaires la première année, le temps de se roder », remarque Denis Prost. Début décembre, une campagne de financement participatif a été lancée afin de renforcer les fonds propres. Même s’il reste encore trois ans d’expérimentation, pour Jean-Claude Lubert, conseiller municipal, le pari est déjà gagné : « En quelques mois, j’ai vu toutes ces personnes changer et relever la tête. »

«Ça prouve que je ne suis pas un fainéant»

Philippe Berthier, ancien titulaire du RSA, embauché il y a huit mois par Tezea

Philippe Berthier (photo) prépare et sert tous les midis 50 à 60 repas aux salariés de Tezea. Un nouveau départ pour cet ancien hôtelier restaurateur de 55 ans. « Après mon deuxième divorce, j’ai dû laisser tomber mon affaire. Puis j’ai eu un accident de voiture. » Reconnu travailleur handicapé, Philippe ne retrouve pas d’emploi. Il reste deux ans et demi au RSA. « J’ai mal vécu cette période. Dans ma tête, je me disais à quoi bon me lever le matin si je ne fais rien ? » confie-t-il.

Très tôt, il est emballé par l’opération Zéro chômeur de longue durée. « Je suis même monté à Paris pour défendre le projet à l’Assemblée nationale. » Embauché depuis huit mois par Tezea, il se sent de nouveau utile. « Vaut mieux toucher le smic que rien du tout, explique- t-il. Ça prouve que je ne suis pas un fainéant. » A quelques années de la retraite, il espère rebondir dans la restauration collective.

Journal le Parisien, le 16 décembre 2017